PSY ONLINE : Arnaque ou Progrès ?
Parue dans Cahier du VIF / L\'EXPRESS (Bruxelles) n° 35 du 31 août 2001

" Il faut adapter le processus analytique à de nouveaux médias. Les cures atypiques existent depuis les des débuts de la psychanalyse. freud a fait l'analyse du petit Hans en écrivant à son père..."
(Michel Pieront, psychanalyste)
THÉRAPIE À DEUX VITESSES (extrait)
Autre adresse dégotée via Yahoo.fr, celle de l'épanchement sur les ondes ou " Psytel " (www.psytel.net).

Le site, qui promet une assistance 7 jours sur 7 et de 9 heures à 24 heures, diffuse d'emblée des numéros de téléphone pour entretiens immédiats. Diablement séduisant, ce principe de la " psychothérapie à domicile, à votre rythme, en toute discrétion ", renforcé par un rappel utile des avantages du procédé : immédiat, anonyme, particulièrement adapté aux personnes manquant de temps, victimes d'un isolement géographique, expatriés ou handicapés. Également indiqué pour la guidance dans le choix d'une thérapie ultérieure. L'équipe ? Des psychologues, psychanalystes ou psychothérapeutes, définis comme étant avant tout des " généralistes ", c'est-à-dire des " écoutants " susceptibles de prendre en charge des problématiques variées, " de formation souvent universitaire, familiarisés avec la psychanalyse freudienne, lacanienne, jungienne, les thérapies comportementales ou cognitives, Gestalt. sophrologie, hypnose ericksonienne ", etc.

Bref, une couverture que l'on pourrait soupçonner d'être trop ample pour être honnête s'il n'y avait cette sensation de transparence et cette possibilité de suivi prolongé avec un thérapeute élu. Résolument bicéphale, mixte, cette méthode, plus ancienne que le Net et plus récente que le divan pur et dur, n'exclut pas le contact " mailesque ". Le tarif de la consultation par téléphone est de 350 FF (environ 2 170 FB) pour une durée d'une demi-heure au minimum. Nous avons appelé le standard et obtenu la ligne d'Ety Braitbart, psychologue cIinicienne et polyglotte, par ailleurs chargée d'écoute téléphonique au numéro national français de violence conjugale, Femme Info Service. Elle applaudit à tout rompre la tentative de médiatisation du support " courriel " auquel il lui arrive de recourir et qui, selon elle, présente d'incontestables garanties de sérieux tout en s'inscrivant délibérément dans l'air du temps.


Diagnostic virtuel : un procès équitable (extrait)
" L'inhibition est moindre en l'absence du regard. Le transfert peut devenir plus ample, plus délicat à gérer. Il faut veiller à maintenir un équilibre entre symbolique, imaginaire et réel. Le dosage entre ces trois instances psychanalytiques est essentiel. Par téléphone, on peut déjà cadrer davantage. La voix fait office d'amortisseur, par rapport à un imaginaire débordant."

L'expérience du téléphone, Ety Braitbart connaît. Psychologue clinicienne et psychanalyste diplômée, officiant depuis quelques années dans un centre de crise pour violences conjugales, elle est en outre chargée d'écoute à Psytel. Et s'estime capable de percevoir la moindre onde, le plus infime frémissement émanant d'une personne en détresse. " Depuis trois ans, nous pratiquons des thérapies de ce type, explique-t-elle. Il arrive que l'on vienne me voir de province. Un entretien peut ensuite se poursuivre par téléphone. Le téléphone se rapproche du divan en ce qu'on ne voit pas les gens non plus lorsqu'ils sont allongés de dos. " Même s'il est vrai, dit-elle, que l'oreille collée au récepteur induit parfois une plus grande proximité. Et s'il lui arrive de recueillir aussi des récits extravagants, ceux-ci peuvent toujours constituer matière à interprétation. " Il faut démonter cela progressivement, ne pas faire tomber les défenses tout de suite, sinon les gens sont à ramasser à la petite cuiller. " Le danger, on l'a compris, réside, ici aussi, dans un transfert parfois démesuré. " Il n'y a pas de thérapie sans transfert, c'est le núud de tout le cadre. " Or, au téléphone, reconnaît-elle, une déréalisation existe, même si elle est moindre que sur le web. Quant aux échanges par courriel, ils ne constituent que la suite logique de contacts à distance, imposés parfois par des contraintes majeures : " Nous avons des clients aux quatre coins du monde: ambassadeurs, enseignants, militaires... Cela s'inscrit dans un processus de mondialisation. Je crois qu'il faut accepter ces cadres nouveaux et donc faire face, c'est vrai, à une sorte de levée de boucliers. Mais n'oublions pas que le scepticisme était là aussi lorsqu'on a lancé les thérapies par téléphone ". Et de conclure, péremptoire, que si la psychanalyse n'évolue pas, elle sera vouée à une irrémédiable agonie.